Un roman historique
Académie des sciences d'outre-mer
Les recensions de l’Académie
Djinns & sultans / Sast
éd. Coelacanthe, 2013
cote : 59.495
Ce livre est un roman historique, dont l'auteur, journaliste, dramaturge et romancier, a déjà écrit des nouvelles où il dépeint avec bonheur les travers de la société comorienne contemporaine. Il n'a pas eu la prétention de faire œuvre d'historien.
L'action a pour cadre l'archipel des Comores, selon toute vraisemblance au moment de la transition entre les Fani et l'avènement des sultans chiraziens c'est-à-dire au seizième siècle. L'intrigue se situe dans le milieu des familles régnantes, mais nous n'en ferons nul grief à l'auteur. Après tout Corneille et Racine se sont-ils aperçus que des paysans et des gens modestes vivaient en dehors des palais où ils campent les personnages de leurs tragédies ? Il est permis d'en douter.
L'historien des Comores retrouve avec un certain agrément des noms qu'il a fréquentés jadis: Cori Dazi, Fani Ali, Djumbé Fumu etc… Et les Comoriens, du moins ceux qui connaissent un tant soit peu les légendes et les traditions orales de leur archipel, partageront ce plaisir.
Le roman recrée (ou plus exactement imagine) les aventures du Sultan Hassan II d'Anjouan, du lignage Al Madwa, personnage entré dans la légende pour son ardeur au combat, et auquel ses multiples succès à la bataille valurent le surnom de Mshinda, le victorieux. Sorti vainqueur des luttes qu'il eut à mener contre ses frères, qui étaient parfois aidés de mercenaires sakalava, il parvint à unifier politiquement l'île d'Anjouan et à asseoir son hégémonie, au moins temporairement, sur ses deux voisines Mohéli et Mayotte. Il est ici représenté sous les traits d'un prince arabe de grande culture et profondément religieux.
Le récit prend de même quelques libertés avec la chronologie et la bataille de Ouani à Anjouan et celle d'Iconi, à la Grande Comore, qui virent les Comoriens repousser les assauts malgaches, se situent aux alentours de 1800 et non au dix-septième siècle. La bataille de Sima, victoire définitive du héros, fut-elle une des plus sanglantes de l'histoire des Comores? Elle dut ressembler à celles que se livraient les héros d'Homère: c'est-à-dire se limiter à un copieux échanges d'invectives et à quelques horions à l'issue desquels on relevait trois morts sur le terrain…
L'auteur a de même inventé une titulature nobiliaire comorienne inspirée de celle la féodalité chrétienne occidentale: c'est ainsi que nous apprenons (pp.29, 138 et autres) qu'il existait un duché de Msapéré et une marquise de Mtsamboro, (à Mayotte) un duché de Sima (à Anjouan) etc. Mais il est vrai qu'au dix-huitième siècle les habitants de Mutsamudu n'hésitaient pas à se parer de titres empruntés à la cour anglaise : il existait ainsi un prince de Galles, un duc de Norfolk etc.
Au total un roman d'une lecture plaisante qui nous rappelle pourquoi l'auteur français Urbain Faurec a pu qualifier les Comores d'archipel aux sultans batailleurs.
Jean Martin
Sast
Djinns & sultans
Coelacanthe, 2013, 192 p.